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Les travaux de Labatchevsky: la géométrie analytique.
André Brouty février 1996
Cet exposé est sous licence libre LLDD.

Considérons maintenant un ensemble d'horocycles associées à un même faisceau de parallèles comme sur la figure 8.

Figure 8

Chisissons ces horocycles tels que A1A2 = A2A3 = A3A4, alors par propriété des horocycles on a A1A2 = B1B2 = C1C2 = B2B3 = ... et si de plus on a A1B1 = B1C1 = C1D1 alors A2B2 = B2C2 = C2D2 c'est la propriété euclidienne des horocycles. Naturellement la distance A1B1 est prise sur l'arc d'horocycle. Les longueurs A1B1, A2B2, A3B3 décroissent et ceci proportionnellement aux distances A1A2, A2A3 et l'on a A1B1/A2B2 = B1C1/B2C2 = C1D1/C2D2.
Appelons x et y les distances respectives A1A2 et A2A3 (A1A2 = x, A2A3 = y). Ainsi A2B2 ne dépend que de A1B1 et de x et nous avons: A2B2/A1B1 = f(x) et A3B3/A2B2 = f(y), mais on a aussi A3B3/A1B1 = f(x+y). Mais on peut écrire: A3B3/A1B1 = (A3B3/A2B2).(A2B2/A1B1) = f(x).f(y) . On a donc en définitive f(x+y) = f(x).f(y) et l'on voit ainsi apparaître mystérieusement la fonction exponentielle.
Nous pouvons exploiter ce résultat:

f(0+0) = f(0).f(0) = f(0)
f(0)[f(0) - 1]=0
ce qui implique f(0) = 0 ou f(0) = 1
f(0) = 0 n'est pas possible car on aurait alors la fonction nulle ce qui fait disparaître la géométrie. Il reste donc f(0) = 1.
De même f(1 + 1) = f(1).f(1) = [f(1)]2 = f(2) si nous posons: f(1) = a, nous avons f(2) = a2, f(n) = a^n et de manière plus générale f(p/q) = a^(p/q) et enfin si nous admettons la continuité de l'espace: f(x) = a^x pour x réel, ce qui peut s'écrire aussi f(x) = exp(x.log(a)).

Une question se pose maintenant, quelle est la valeur de a ?
Sur notre figure nous avons choisi A2B2 < A1B1 ce qui nous conduit à 0 < a < 1

La valeur a = 1 nous conduit à la géométrie euclidienne. mais en géométrie non euclidienne cette valeur n'est déterminée que par l'inégalité précédente. Ainsi dans cette géométrie apparait une constante arbitraire. Nous avons donc log(a) < 0, posons k' = -log(a) ce qui nous donne une constante positive. De plus on pose k= 1/k', k jouant ainsi le rôle du rayon de courbure de l'espace de Labatchevsky, et donc f(x) = exp(-x/k).

Pour revenir à la figure 8 nous avons donc:

A2B2 = A1B1.exp(-A1A2/k)
A1B1 = A2B2.exp(A1A2/k)

La fonction P(x) de Labatchevsky

Dans le chapitre précédent nous avons rapidement vu que l'angle limite de Labatchevsky est une fonction décroissante de la distance du point de l'angle à la parallèle. Examinons la figure 9

Figure 9

nous y voyons une droite D1, un point B , sa projetction sur D1 en A et la parallèle D2 à D1 passant par B . Nous avons aussi dessiné en pointillé l'horocycle d'axe D1 passant par A et coupant D2 en C .
Nous savons que l'angle ABC est inférieure à 90 degrés et qu'il dépend de la distance AB . Labatchevsky note P(AB) cet angle. Son évaluation est un peu délicate, on en trouvera le détail dans ....... cependant on montre que:

sin(P(AB)) = exp(-BC/k)

et surtout, en posant AB = x pour simplifier les écritures:

P(x) = 2arctg(exp(-x/k))tg(P(x)/2) = exp(-x/k)

On constate immédiatement que:

Trigonométrie du triangle rectangle

Il est bien sur possible d'exprimer les fonctions circulaires de cet angle. En utilisant les formules bien connues

cos(a) = [1 - (tg(a/2))2]/[1 + (tg(a/2))2]
sin(a) = 2tg(a/2)/[1 + (tg(a/2))2]
tg(a) = 2tg(a/2)/[1 - (tg(a/2))2]

et en remplaçant a par P(x) on obtient:

cos(P(x)) = [1 - 2exp(-x/k)]/[1 + 2exp(-x/k)] = th(x/k) (1)
sin(P(x)) = 2exp(-x/k)/[1 + 2exp(-x/k)] = 1/ch(x/k) (2)
tg(P(x)) = 2exp(-x/k)/[1 - 2exp(-x/k)] = 1/sh(x/k) (3)

Lobatchevsky applique ces résultats au triangle rectangle. Examinons la figure 10:

Figure 10

Nous y voyons un triangle rectangle ABC dont les cotés mesurent a,b,c

On établit alors les relations suivantes dans le triangle rectangle:

cos(C) = th(b/k) / th(a/k)
sin(C) = sh(c/k) / sh(a/k)
tg(C) = th(c/k) / th(b/k)

cos(B) = th(c/k) / th(a/k)
sin(B) = sh(b/k) / sh(a/k)
tg(B) = th(b/k) / th(c/k)

En utilisant ces formules et en égalant les valeurs de tg(B) et de sin(B)/cos(B) calculées de deux manières différentes on aboutit à la relation suivante entre les trois cotés d'un triangle rectangle:
ch(a/k) = ch(b/k).ch(c/k) (4)
On peut aussi écrire:
1/ch(a/k) = 1/ch(b/k) . 1/ch(c/k)
Et en appliquant la formule (2) on obtient
sin(P(a)) = sin(P(b)) . sin(P(c))
On peut trouver ansi un grand nombre de formules analogues caractérisant la trigonométrie de la géométrie de Lobatchevsky. On les trouvera dans l'article de Lobatchevsky "Géométrie imaginaire".

La formule (4) ci-dessus est remarquable, elle représente l'équivalent du théorème de Pythagore pour la géométrie euclidienne. On peut le voir en faisant un développement limité à l'ordre 2 de ch(x/k) = 1 + (x2)/(2k2) nous obtenons

1 + (a2)/(2k2) = (1 + (b2)/(2k2)) . (1 + (c2)/(2k2))
1 + (a2)/(2k2) = 1 + (b2)/(2k2) + (c2)/(2k2) + (b2.c2)/(4k^4)
Le dernier teme est d'ordre 4, on le néglige et nous obtenons
1 + (a2)/(2k2) = 1 + (b2)/(2k2) + (c2)/(2k2)
(a2)/(2k2) = (b2)/(2k2) + (c2)/(2k2)
a2 = b2 + c2
C'est-à-dire le théorème de Pythagore de la géométrie euclidienne. Ce petit calcul montre que la géométrie euclidienne est la géométrie limite de celle de Lobatchevsky pour des petites distances. On obtient un résultat analogue si l'on fait tendre la courbure de l'espace k vers l'infini, ce qui montre que la géométrie euclidienne est une géométrie non euclidienne de rayon de courbure infini, c'est-à-dire un espace plat. La géométrie de Lobatchevsky est une géométrie plus générale.

Lobatchevsky développe ensuite la trigonométrie pour les triangles quelconque. Il établit que l'aire d'un triangle n'est autre que son déficit. Donnons pour terminer ce chapitre les valeurs du périmètre du cercle ainsi que son aire.

aire du cercle de rayon r

2.Π.k2(ch(r/k) - 1) = 4.Π.k2.(sh(r/2k))2
= Π.k2(exp(r/2k) - exp(-r/2k))2
périmètre du cercle de rayon r
2.Π.k.sh(r/k)
Volume de la sphère de rayon r
Π.k3(sh(2r/k) - 2r/k)
aire de la sphère de rayon r
4.Π.k2(sh(r/k))2
On laisse le soin au lecteur de montrer qu'en faisant tendre k vers l'infini on retrouve les valeurs connues de la géométrie euclidienne.

Le point de vue moderne